Casey

L'Exclu

Je parle de moi, de bagne, de madras, de pagne,
de ma race qui saigne, de leurs lois qui règnent,
de larmes, de grogne, de hargne, d’ivrognes,
de polices qui brandissent leurs armes sans vergogne ;
de crimes, d’intérim, de déprime,
de ceux et de celles qui ne riment
plus à rien et se suppriment ;
ceux qui prennent Deroxat, Esperal et Tranxen,
Assimil, Athimyl, Laroxyl et toxines ;
de routine, drogues, nicotine, frères qui cantinent,
pères qu’on piétine, familles nombreuses et clandestines,
mères qui s’obstinent, patrons qui volent et baratinent,
gosses qu’on destine au béton depuis la tétine ;
de platines, micro/feutrine, de péter les vitrines,
de leur doctrine, leur drapeau qu’ils veulent me foutre sur la poitrine,
de leurs sirènes qui s’illuminent comme à la fête foraine,
de mes migraines que j’élimine à grands coups de cachets d’aspirine ;
de ma haine de l’insigne, d’esquiver leurs consignes
quand ils m’assignent dans mes tours et c’est ma mort qu’ils signent,
de cramer leurs enseignes, des mensonges qu’ils m’enseignent
et de Paname qui baigne dans la panique quand les lumières s’éteignent ;
et des teignes qui veulent le fric de l’avenue Montaigne,
ne craignent que dalle, encore moins qu’une balle les atteigne,
de mon hymne, de mon âme, mon patronyme, ma flamme,
mon patrimoine, mes problèmes, mon emblème et mes blâmes ;
de leurs programmes, leurs forums et référendums,
des dilemmes et drames de milliers et de millions de femmes et d’hommes,
de mes œdèmes, mises en garde, mises en bière et en berne,
de mises en accusation et surtout de prison ferme ;
de mes séquelles internes, de mon journal intime,
de mon état-civil infâme et de mes chances infimes,
et des normes qui m’enferment, de l’antenne qui informe
que les clichés sur nous sont bien réels et conformes ;
de l’usure, de l’usine, de poison, de résine,
de mes lésions par dizaines face à leurs limousines,
des bidons de magazines, ces torchons de seconde zone
qui parlent des basanés comme s’ils trouaient l’ozone,
des sales putes que je désigne comme des traîtres, des indignes,
qui se plient devant peu d’oseille et en un mot se résignent ;
de mes lignes que j’aligne, de mon avenir qui s’éloigne
et de mes récits qui me soignent et aujourd’hui témoignent.
Alors je cogne et on me cogne, je cogne et on me cogne,
je suis constamment en colère, en furie, en rogne.
Je suis l’expert en rimes, extrême dans mon crâne.
Je suis l’exclu qui s’exprime, gueule et s’exclame.